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Le Chemin de l’agnostique
Septembre 2021 – Née en 1987 d’une mère chinoise et d’un père allemand, Bianca Berger est aujourd’hui responsable de la plus petite, et dernière-née, des communautés de L’Arche en Allemagne, Landsberg, après une expérience comme à L’Arche en Inde.
Ne se reconnaissant dans aucune tradition religieuse particulière, Bianca répond pour nous à la question « Ta vie intérieure, comment tu la nourris ? »
« Comment nourris-tu ta vie intérieure ? »
Je suis honorée qu’on me pose une telle question. Il y en a une autre que j’entends souvent, et qui la précède : « Est-ce que tu en as une, de vie intérieure ? Est-ce que tu as une spiritualité ? » On me demande cela, parce que je suis agnostique.
Je ne suis pas pour autant quelqu’un qui ne croit pas. Agnostique, j’ai pour seule certitude le fait que je ne sais pas. Mais il y a bien des choses auxquelles je crois, ça oui. Je crois que nous sommes tous en relation, les uns avec les autres : tous les êtres humains, mais aussi tous les animaux, les plantes, les minéraux, les élements, les énergies, les étoiles, l’univers. Je crois que nous avons davantage en commun que ce qui nous sépare. Je crois qu’il y a des valeurs universelles, valables pour toutes les créatures vivantes : la paix, le respect, la gentillesse, la patience, l’effort de comprendre, et d’être compris. Je crois que ça n’est qu’ensemble, avec les personnes qui nous entourent, que l’on peut découvrir un sens authentique à l’existence. Je crois que nous sommes tous responsables les uns des autres, quel que soit l’endroit où nous vivons, la distance qui nous sépare de ces « autres », le peu que nous en connaissons. Quand nous pensons les uns aux autres, quand nous prions les uns pour les autres, quand nous ressentons de la compassion pour quelqu’un ou quelque chose, je crois que cela a un effet, que quelque chose de bon advient. Quand on rend le sourire à quelqu’un, ou quand on gâche un tout petit peu moins d’eau, cela fait du bien à l’univers tout entier. Enfin, je crois que nous avons le droit d’échouer, que l’on n’a pas à être parfait pour être unique, essentiel et merveilleux.
Ce que je ne parviens pas à croire, c’est qu’il n’y ait qu’un seul chemin pour nous connecter à ce « quelque chose de plus grand que nous ». C’est pour cela que je ne peux me raccrocher à telle ou telle foi. Mais certainement, il y a en moi quelque chose à nourrir, que j’appelle aussi « vie intérieure ».
Pour ce faire, j’ai une routine matinale. Elle débute par la lecture du verset hebdomadaire du « Calendrier de l’âme » de Rudolf Steiner (*). J’ai conscience que Steiner ne fut pas un homme parfait, qu’il y a des éléments problématiques dans son héritage spirituel. Cependant, j’aime son Calendrier car il me reconnecte avec le rythme de la nature, et me nourrit, avec notamment les messages suivants : Tout est connecté. Nous sommes un corps, un esprit et une âme. Nous faisons partie d’un cercle de vie qui éclôt, fleurit, grandit, porte du fruit, fâne, meurt et repose, avant de recommencer.
Après cette lecture, je dis un « mantra » avec mon « mala ». Utilisé dans les traditions hindouistes et bouddhistes, le mala est ce collier de méditation contenant 108 « perles » et comparable, sans doute, au rosaire chrétien. À la place du nom de Dieu ou d’une prière, je répète les mots que je souhaite ancrer en moi, par exemple en ce moment : « amour », « joie » et « énergie ». Au moment de mettre mon mala autour du cou, je ferme les yeux et prie, pour ceux que j’aime, pour ceux, aussi, que je ne connais pas mais auxquels je suis tout de même liée. Je prie pour les petites choses du quotidien, et pour les grandes problématiques de l’humanité. Je garde sur moi le collier, toute la journée : durant les longues heures de travail, sentir son poids donnera du sens à mes tâches et me ramènera à l’essentiel. « Joie. » « Energie. » « Amour. »
Il est temps d’achever ce rituel : je me redresse, et descends les escaliers pour préparer le petit déjeuner. Nourrir l’âme, nourrir le corps, et en route pour le travail. Une nouvelle journée, faite de relations. Une nouvelle journée spirituelle, tant ma spiritualité vit dans la rencontre.
Bianca Berger
(*) Steiner a fondé, fin XIXe, l’ anthroposophie, une doctrine spirituelle qui a irrigué des mouvements comme l’agriculture biodynamique, et les écoles Waldorf, entre autres.