S'abonner pour recevoir "La Vie Intérieure" par mail
Accueil > Hors les murs > La vie intérieure > Les petites choses
Les petites choses
Novembre 2021 – Actuellement directeur de l’Office Chrétien du Handicap, Philippe de Lachapelle a auparavant été membre de L’Arche pendant 25 ans, et notamment responsable de L’Arche en France.
Philippe répond pour nous à la question « Ta vie intérieure, comment tu la nourris ? »
Je me suis rarement posé cette question : « comment je nourris ma vie intérieure ? » En cherchant à y répondre cependant, je ne peux que constater que… je ne la nourris pas ! La vie intérieure m’est donnée. Je ne fais que la recevoir, et constater avec joie combien et comment elle est nourrie !
Elle est nourrie tout particulièrement à travers les personnes : par exemple, plus j’avance dans ma vie conjugale, plus je devine, fut-ce en l’effleurant, ce que peut être l’amour inconditionnel de Dieu à mon égard… La vie de mes enfants me fait toujours mieux aimer ce Vent qui souffle vraiment où Il veut, et non pas où je veux (Jn 3,8). La rencontre jour après jour de personnes traversées par l’épreuve de la maladie, du handicap, me fait entrer toujours plus dans le mystère du mal qui peut tellement abimer nos vies, mais aussi dans cette Espérance qui peut tout submerger, au point que ce n’est pas le mal qui aura le dernier mot dans l’existence, mais l’Amour (St Jean-Paul II)… Plus je rencontre des personnes vulnérables, plus j’entre avec elles dans l’expérience de ma propre fragilité, de mes propres failles ; plus je découvre que c’est là que Dieu vient faire sa demeure, un Dieu que je ne cesse de découvrir lui-même si fragile, si vulnérable, si impuissant, mais dont la toute-puissance d’Amour change tout ! Plus je travaille avec les personnes de l’OCH à développer la mission, plus je goûte à cette joie que l’Evangile de Luc annonce : « Il les envoya deux par deux… ils revinrent tout joyeux » (Lc 10,1-17). Plus j’apprends à contempler la beauté d’une fleur, d’un paysage, d’un moment de grâce, d’une personne, mieux j’entre dans la conversion écologique que le Pape François appelle de ses vœux dans Laudato Si, et qui met en paix.
Tout cela m’est donné, je n’ai « qu’à » le recevoir… Cela nécessite tout de même de mettre en œuvre une certaine stratégie, pour être en bonne disposition. Pour ma part, je n’ai rien trouvé d’autre qu’une « stratégie des toutes petites choses », tout au long de la journée. Au lever, adresser de mon cerveau embrumé ces mots à Dieu : « que cette journée soit Tienne ». Pendant les 45 minutes de vélo vers mon travail, louer, chanter à haute voix, confier la journée, les personnes, les réunions, ma famille, les membres de l’OCH, les rencontres que je vais avoir… et réciter ou chanter le chapelet. Arrivé au bureau, lire l’Evangile du jour, regarder la scène : où suis-je, qui suis-je dans ce texte ? Ensuite, essayer un dialogue amical avec Jésus pendant quelques minutes. Avant chaque rencontre, chaque réunion, demander à Dieu d’y être présent. Pour chaque lettre, chaque reçu fiscal que j’adresse, confier le destinataire à la bienveillance de Dieu… Et ainsi de suite, jusqu’au retour vers la maison à vélo. Là, tout en pédalant sur les bords de Seine, je demande pardon pour le mal que j’ai pu faire, et mes manques à cette stratégie ! Et surtout, je rends grâce pour la journée ! Je dis merci pour ce qui était bien, pour ce qui était difficile, pour les personnes rencontrées. Enfin, l’Eucharistie et la prière commune à l’OCH complètent, à chaque fois que possible, ces petits pas.
Cette stratégie des toutes petites choses me convient. Par elle, j’expérimente cette parole du Père David Wilson, prêtre à l’Arche des Trois Fontaines : « Ce qui compte dans la prière, ce ne sont pas les mots, c’est d’être accroché à Jésus. » Et quand les choses me sont si difficiles que je n’arrive pas à m’accrocher à Lui, croire à cette deuxième conviction de la part du Père Wilson : « Il y a mieux encore, c’est Jésus qui est accroché à moi. »
Philippe de Lachapelle