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Les profs à plumes
Avril 2023 – Ce mois-ci, La Vie Intérieure vous emmène dans le jardin, avec Laura DeMaria. Membre du conseil d’administration de L’Arche à Washington, Laura aime s’asseoir avec les oiseaux. C’est comme cela qu’elle nourrit sa vie intérieure.
Dans le jardin, derrière la maison, il y a une mangeoire à oiseaux. Nous la maintenons en permanence remplie à ras bord de graines et de noix. Les « clients » s’y présentent dès le matin : les pigeons, en se dandinant, les rouges-gorges et pinsons, en réclamant, de l’œil et du bec, du rab. Ils y sont encore le soir, ils savent qu’ils peuvent s’y rassembler en paix, que leur ration viendra quoi qu’il arrive.
C’est en 2020 qu’a commencé l’envie de m’asseoir au milieu du peuple du jardin. Durant les temps obscurs de la pandémie, j’ai commencé à tenir toujours prête une réserve de cacahuètes, pour les écureuils du parc voisin. À la fin de la journée de télétravail, je passais une veste, attrapais le sac de nourriture, et partais m’asseoir avec eux. Jour après jour, je tentais de battre mon record du nombre d’écureuils rassemblés avec moi. Je suis arrivée à 13. Le souvenir sinistre de ce temps incertain est contrasté par celui de ces crépuscules passés au calme, avec mes petits amis à fourrure, tandis qu’ils se jetaient sur les cacahuètes que je leur distribuais. Il y avait aussi, déjà à l’époque, les geais, qui patientaient en gazouillant depuis les branches au-dessus de nous, puis plongeaient soudainement sur les arachides laissées libres par les écureuils.
Aujourd’hui encore, s’asseoir pour contempler toute cette activité du jardin, c’est comme observer un aquarium. Les oiseaux volètent de la pergola jusqu’au tas de bois, et de là, jusqu’à la mangeoire, en passant par les graines répandues au sol. Monsieur Cardinal est chauve. Mademoiselle Colombe est contemplative. Les corbeaux observent tout cela à distance, et décampent au moindre mouvement. À l’intérieur de la cuisine, les chats ronronnent et se prélassent, bien au chaud, et satisfaits du rang élevé qu’ils tiennent dans la hiérarchie animale de la maisonnée.
Jésus disait à ses disciples : « C’est pourquoi je vous dis : Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni, pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils n’amassent pas dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Vous-mêmes, ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ? » (Matthieu 6:25-27)
C’est vrai, je regarde les oiseaux du ciel. Je remarque la mésange qui volette, son cœur minuscule battant dans sa poitrine : elle fait l’œuvre de sa vie. Elle ne s’arrête pas pour penser : elle se contente d’être.
Quand on me demande pourquoi j’aime tant L’Arche, je pointe souvent cette qualité : l’importance de savoir être. Les personnes de la communauté de Greater Washington, est-ce qu’elles m‘aiment à cause de mon boulot, où de l’endroit où j’habite ? Non. Et quand je suis avec elles, je peux enfin arrêter de prétendre que ces choses me définissent. Je puis me contenter de simplement être.
Dieu lui-même n’est-il pas défini comme l’Être par essence ? Dieu est le grand « Je suis ». Il nous montre qu’il y a une sainteté dans le fait d’être soi-même. Comme les oiseaux du ciel. Prenez le cardinal rouge, par exemple. C’est un passereau qu’on trouve en Amérique du Nord, dont le plumage d’un rouge flamboyant est pour moi une pure expression de la créativité de Dieu. Les petites pattes délicatement enroulées autour de la branche, la largeur de certains spécimens, la petitesse d’autres : tous, ils sont comme Dieu les a voulus. Ils n’essaient pas d’être autre chose qu’eux-mêmes. Et cela m’édifie.
Alors, je contemple les oiseaux : ils sont mes maîtres, mes profs à plumes. Ils ne le savent pas, bien entendu. Simplement, ils le sont. Moi, en revanche, je le sais. J’écris même à ce sujet, et ce simple constat me montre que le chemin vers « juste être » est encore devant moi. Oui, un jour, je serai.
Laura DeMaria